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LES PARENTS DANS LES SERVICES DE PEDIATRIE - suite et fin

Parents, soignants : coexister au quotidien

vendredi 10 juin 2005, par Martine Papanicola

Dans l’édition de décembre dernier, nous avions amorcé le compte rendu du colloque « Parents d’enfants hospitalisés : visiteurs ou partenaires » qui s’est tenu au Ministère de la Santé le 5 octobre 2004, à partir d’une enquête réalisée par l’association Sparadrap. Aujourd’hui, nous vous proposons la deuxième partie de ce compte-rendu.

Du côté des usagers

Les interventions de l’après-midi commencent par le témoignage de Florence Pérez, qui raconte son « aventure en cardiologie » auprès de son très jeune enfant, admis pour une malformation cardiaque à la naissance. C’est d’emblée sur la nécessité d’une relation de confiance entre parents et soignants que porte la réflexion de cette maman.« Les soignants ont leurs techniques, nous avons notre amour pour notre enfant ; ce n’est pas interchangeable et c’est bien pour cela que nous devons faire « équipe » le temps nécessaire. Dans tous les cas, on doit penser au mieux-être de l’enfant : en favorisant la présence des parents, y compris en « soins intensifs », et si l’éloignement est requis, le soignant doit le justifier ; en créant les meilleures conditions : par des échanges d’informations, si possible « à froid », pas dans l’urgence, par de vrais lieux conviviaux pour les familles, par une réelle prise en compte des besoins quotidiens (ex : coin intime pour allaiter). Et surtout, donner la liberté aux parents de voir leur enfant quand ils le souhaitent. « Malgré la gentillesse de l’entourage hospitalier, nous étions prisonniers d’un cadre réglementaire » conclue cette maman. « L’hôpital a encore un petit bout de chemin à faire ».

Autre contribution, « l’exemple de l’Espace des usagers » présentée par sa Présidente, Françoise Gastineau. Depuis mars 2003, cette association réunit les représentants d’une 30aine d’associations de malades présentes
au CHU de Nantes et dans le département. Sa principale mission : travailler avec les professionnels du CHU à l’amélioration de la qualité de vie et des soins à l’hôpital. Dans le domaine pédiatrique, un premier bilan permet d’identifier des priorités : hébergement des familles, aménagements et décorations des lieux, animations et espaces éducatifs et de scolarisation, participation des associations de patients, information. Dans tous ces domaines,
l’Espace des usagers veut être actif et faire de propositions d’amélioration, dans un contexte de partenariat avec l’institution, qui ainsi, a montré sa réelle volonté d’ouverture. D’après Annick Ernoult (Choisir l’Espoir) qui intervient ici en tant que formatrice à l’Unité François-Xavier Bagnoud, c’est le lien à l’intérieur et l’extérieur de l’hôpital qui fonde les relations autour du jeune malade. Les parents peuvent être acteurs de ce lien à condition de s’appuyer sur un tissu d’informations fondées sur la confiance mutuelle et le désir et la capacité de chacun des intervenants (parents, soignants à l’hôpital et à domicile, école, animateurs, entourage...) à se remettre en cause. Apprendre à s’écouter et s’estimer les uns les autres. Pour les parents, il s’agit de pouvoir prendre appui sur une information claire et précise, clé de la compréhension et donc de la confiance envers les médecins et l’équipe soignante. D’être entendus et compris en tant que parents et détenteurs d’informations essentielles sur leur enfant. C’est également de l’information sociale dont les parents ont besoin : sur les conditions de vie à l’hôpital, sur les aides existantes, les services associatifs et réseaux de bénévoles à domicile. Pour que cela fonctionne, l’équipe médicale doit disposer de temps non consacré aux soins, mais à la relation. Aujourd’hui, la nécessité de la présence des parents auprès de leur enfant est acquise. La reconnaissance de la compétence parentale a fait son chemin. Il reste à asseoir cet acquis dans le respect mutuel et à rallier tous les partenaires à cet objectif, et notamment pour les parents, à prendre conscience de leur rôle parental à l’hôpital.

Du côté des soignants

Les interventions qui suivent sont celles de soignants et responsables de services pédiatriques. La présentation du
NIDCAP, programme individualisé d’évaluation et de soutien du développement, en médecine néonatale du CHU de Brest, illustre bien la possibilité d’associer les parents aux soins de leurs enfants, même pour les nouveaux nés prématurés. Laure Jacquemot, chef de clinique dans cette unité, insiste sur les motivations principales du programme : reconnaître et évaluer les compétences individuelles du nouveau-né et adapter l’environnement et les pratiques à cette observation. Dans ce programme, les parents sont reconnus comme acteurs essentiels. Il encourage l’autonomie des parents et des familles en s’appuyant sur leurs compétences et prépare ainsi la sortie dès la naissance, les parents ayant appris à connaître leur bébé, à communiquer avec lui et s’adapter à ses besoins. Ce programme conçu pour les enfants prématurés a changé l’approche des soignants, en bousculant de nombreuses habitudes et routines. Bel exemple de rapprochement entre professionnels et familles dans une unité hautement médicalisée.

Pour Sylvie Gervaise, Cadre supérieur de santé en onco-hématologie à l’Hôpital d’Armand-Trousseau, Paris, la question se pose de l’ouverture du service au parents : non, oui, oui mais.... En réalité dans cette unité pédiatrique de spécialité, parents, fratrie, grands-parents et entourage de l’enfant sont depuis longtemps admis et à toute heure de la journée. Un parent est toujours invité à rester la nuit auprès de son enfant, sans le culpabiliser s’il ne le souhaite ou ne le peut pas. Cette pratique d’ouverture de longue date met cependant à jour certaines dérives pour lesquelles une surveillance et un dialogue s’imposent. Ainsi, lorsque un parent s’implique dans certains soins (toilette, administration de soins locaux...), les soignants ne doivent pas le considérer comme acquis. Cela ne prend pas de caractère obligatoire pour le parent. C’est pourquoi, le rôle des soignants est d’évaluer ce qui a effectivement été pris en charge par le parent, sans le culpabiliser si celui-ci s’en décharge. De la part des parents, on observe des dérives dans la cohabitation avec les soignants ou avec d’autres jeunes patients et familles. Le comportement « hôtelier » de certains parents ou encore l’implication dans les soins du petit voisin peuvent avoir un impact délétère voire constituer une entrave à la sécurité des soins. C’est pourquoi, vigilance et dialogue vont de pair avec l’accueil des parents à l’hôpital. Des réunions bimensuelles sont utiles à pointer certains dysfonctionnements et recadrer les limites à respecter dans cette cohabitation.

Autre intervention instructive de cette journée : Celle du Pr Philippe Hubert et Martine Dervillers du service de réanimation pédiatrique polyvalente et de néonatologie de l’hôpital Necker enfants malades, Paris. Leur propos est la place des parents en réanimation polyvalente pédiatrique, visiteurs ou partenaires ?, alimenté par une enquête réalisée en 2003 auprès de 44 unités. Sur la question des visites des parents, 53 % des 36 services ayant répondu affichent des horaires totalement libres (jour et nuit). Pour les autres, il s’agit d’horaires annoncés, mais aménageables, ou encore, dans un nombre limité de cas (3 services), des horaires très stricts. Pour le reste de la famille, fratrie, grands-parents, oncles, tantes, l’ouverture du service est plus restreint, voire inexistant. Autre domaine d’investigation de l’enquête : la participation aux soins. Si les soins techniques restent le domaine réservé des soignants et pour les plus délicats, sans présence des parents, en revanche, dans les soins de la vie quotidienne, notamment de nursing, la plupart des services interrogés dit accepter la présence, voire la participation des parents. Ce que l’on peut observer globalement c’est que 20 ans après la circulaire de 1983 relative à l’hospitalisation des enfants, des avancées notables sont affichées en réanimation pédiatrique, mais quelques noyaux de résistance demeurent, soit pour des raisons historiques, soit architecturales, de jeunesse du personnel ou encore de temps disponible nécessaire pour associer les parents. Au CHU Mère-Enfant Sainte-Justine (Montréal), dans l’unité de greffe de moelle osseuse pédiatrique (qui accueille la quasi-totalité de ce type de greffes pratiquées au Québec et l’est du Canada), la question s’est posée de la cohabitation nocturne des parents avec leur enfant. La pratique instaurée jusqu’alors était la non cohabitation, motivée essentiellement par le risque infectieux et la nécessité de repos des parents. Devant une demande de plus en plus pressante des familles, l’équipe traitante a souhaité réfléchir à une telle éventualité, non sans avoir pris en compte tous les aspects grâce à la compilation de données (écrits sur la question, avis de spécialistes, autres pratiques hospitalières, enquête auprès des parents de l’unité de greffe). Pour aboutir aux conclusions suivantes : Tout d’abord, le désir de cohabiter n’est pas présent chez l’ensemble des familles. Les principales motivations pour une cohabitation sont liées à l’âge de l’enfant, les précédentes expériences d’hospitalisation, l’éloignement du domicile, les contraintes familiales (autres enfants notamment) et le réseau de soutien dont bénéficie la famille. Néanmoins, il peut être très souhaité dans certains cas. C’est pourquoi l’équipe a pris la décision d’autoriser cette pratique de cohabitation. Parallèlement, pour poursuivre dans l’observation et la compréhension des choix, l’équipe traitante a décidé de mener auprès des familles une grande enquête sur les divers temps de la greffe, de la prise de décision à quelques mois après le retour à la maison.

Soignants bien-traités, soignants bientraitants

Pour terminer, le colloque s’attarde sur les soignants : Soignants bien traités, soignants bien traitants, affirme Bénédicte Minguet, psychologue et coordinatrice de l’humanisation des soins, Clinique de l’Espérance à Liège. Cibler la souffrance des soignants et travailler à y remédier, voici le propos de cette intervention. Car souffrance il y a, à partager le quotidien des jeunes malades et leurs proches. Parallèlement à l’humanisation des soins, et aux droits des enfants et familles, on constate une souffrance et une fatigue émotionnelle des soignants. Des dispositifs sont déjà en place pour les soutenir : présence d’un psychologue, des lieux de paroles, débriefings émotionnels et techniques, formation à l’accueil et continue, encadrement technique... Souvent, il faut aller plus loin pour canaliser cette souffrance des soignants. Ainsi, on voit se monter des pratiques innovantes : un groupe de parole pour une petite équipe de soins palliatifs pédiatriques ; la mise en place de projets t r a n s v e r s a u x (accueil, douleur, information) qui soutiennent la créativité et mobilisent les énergies positives ; un dispositif institutionnel de concertation et de communication impliquant la participation de divers groupes de métiers, .... C’est parce qu’ils fonctionnent sur une logique de long terme et intègrent dans la concertation des changements que ces dispositifs sont un secours appréciable pour les soignants en souffrance.

Les actes du colloque à votre disposition à notre local


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