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Guérir... et après ?

dimanche 22 octobre 2006, par Martine Papanicola

Lors d’une rencontre au printemps dernier, l’association Cent pour Sang la Vie s’est attachée à la question de l’après guérison. Cela nous donne l’opportunité d’en parler.

Voici les grandes lignes de ce colloque, complétées d’autres sources.

Le pronostic de survie d’un enfant atteint de cancer ou de leucémie est très variable. Il dépend fortement du type de pathologie et de l’âge du patient. Mais incontestablement, ces maladies chez l’enfant se traitent et se guérissent de mieux en mieux. Un exemple : dans la leucémie aiguë lymphoïde (LAL, forme la plus courante de cancer chez l’enfant),
la survie à 5 ans est aujourd’hui de 85 % alors qu’elle n’atteignait pas 20% avant 1970 [1].

La préservation de la vie est un progrès inestimable mais ne doit pas occulter la question des conditions de vie après la guérison. Même si globalement, l’enfant ou l’adolescent guéri vit « normalement », sa pathologie a eu, a et aura probablement
des conséquences au plan de sa santé ou de sa vie sociale. Au plan de la santé, il y a en premier lieu, le devenir psychique de l’enfant guéri [2] : car si la maladie est vécue
comme un bouleversement profond qui fait prendre conscience de sa vulnérabilité,
la guérison est une étape délicate qui nécessite une réorganisation existentielle.
L’enfant doit faire le deuil de l’état de maladie et arriver à un certaine stabilité psychique, entre oubli et ancrage identitaire. En s’appuyant notamment sur la reconnaissance de cette étape (par toute la communauté médicale, scientifique, sociale) et un soutien partagé de son entourage. Autre domaine sensible, celui de la croissance et de la puberté [3]. Le constat général est le suivant : chez l es enfants traités pour un cancer, on assiste à une ralentissement de la croissance dans la phase initiale du traitement et ensuite un rattrapage. Ce sont surtout les irradiations du crâne et irradiations corporelles totales qui modifient les courbes de croissance et l’âge de la puberté. Dans tous les cas, un suivi est assuré et si nécessaire, un traitement adapté est proposé.

Enfin, certains traitements de cancer sont stérilisants [4] : c’est le cas de l’irradiation
totale ou de certains agents toxiques à forte dose. Plus importante chez la femme que chez l’homme, la stérilité dans les deux cas se combat grâce à une préservation du potentiel de fertilité. A côté de pratiques mieux maîtrisées (prélèvement de spermatozoïdes, conservation d’embryons ou d’ovocytes matures), les recherches actuelles se portent sur les prélèvements avant la puberté. Pour les filles, à partir de 10
mois, il existe une technique expérimentale qui consiste à prélever du cortex ovarien composé notamment d’ovocytes immatures qu’on fera ensuite maturer soit in vivo, soit in vitro. Cette technique très récente et d’effets encore très limités est néanmoins -porteuse d’espoir.

Dans le domaine social et professionnel aussi, la guérison n’efface pas tout [5].
La discrimination dans l’emploi, les licenciements, les mises au placard sont encore trop nombreux. Même si la nouvelle législation du travail oblige l’employeur à aménager le poste de travail des personnes handicapées ou personnes atteintes de maladies graves, les difficultés persistent. De même, les jeunes adultes guéris d’un cancer dans
l’enfance sont pour certains pénalisés par un parcours scolaire pertubé (d’où la nécessité de l’accompagnement scolaire) et parfois des sequelles qui affectent
les aptitudes dans l’emploi.

Autre domaine qui a fait récemment l’actualité, c’est celui de l’[*assurances et du
crédit*]. Signée en 2001 par les associations, banquiers et assureurs, la Convention
Belorgey qui devaient permettre aux malades et ex-malades de bénéficier de certaines garanties pour obtenir un crédit, a vécu. Depuis peu, elle est remplacée par un nouveau dispositif, la convention [*AERAS*] (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de
Santé) qui devrait entrer en vigueur en janvier 2007 ( [6]. Quelques avancées et
assouplissements ont été obtenus, mais cela permettra-t-il aux personnes malades
de s’assurer dignement ? Prendra-ton davantage en compte les progrès
thérapeutiques ? L’échec de la Convention Belorgey (grand nombre de rejets
d’emprunt faute d’assurance) nous a appris à être prudent en ce domaine.

Ces questions concernent évidemment les enfants qui deviendront des adultes
au travail et en quête de crédit.

Source :

 Journée Cent Pour Sang La Vie, 1er avril 2006, La guérison d’une leucémie, et après ?
 Egalement sur centpoursanglavie.org, lettre d’information n° 10.


Pour plus d’info, lire notre compte-rendu (non officiel
mais que nous espérons fidèle) des interventions de cette journée.


[1Intervention Dr Brigitte Lacour Registre National
des tumeurs de l’enfant à Nancy

[2Dr Sarah Dauchy : Psychiatre IGR

[3Pr Raja Brauner, endocrinologue pédiatrique Hôpital Kremlin-Bicêtre

[4Dr Catherine Poirot Hôpital Salpêtrière / Pr Bruno Salle Hôpital Edouard Herriot à Lyon

[5Dossier de presse Cent pour Sang la vie

[6Les échos, 26 juin 2006